« Ton salaire, c’est 2 ou 3 tee-shirts »
Par Eric Veyssy, Terre et Ocean
« Ton salaire, c’est 2 ou 3 tee-shirts »
La filière du textile est-elle éthique ?
Jeudi 9 janvier, les 115 élèves du projet Oddience2030 ont droit à une séance cinéma dans la plus belle et grande salle du cadre majestueux du cinéma Utopia, au cœur de Bordeaux, place Camille Julian du nom du grand historien de la ville. « Bordeaux est un présent que la Garonne a fait à la France », avait-il écrit en ouverture de son « Histoire de Bordeaux » publiée en 1895.
Le commerce par le port de Bordeaux permettait déjà d’échanger des produits avec le monde entier.
La projection du film « Made in Bangladesh » a permis aux élèves de faire connaissance avec celles qui confectionnent nos vêtements de l’autre côté de la planète. Pendant 1h30, ils sont passés de l’autre côté des étiquettes de leurs tee-shirts, immergés dans les quotidiens ingrats des ouvrières des usines de confections de Dakha, la capitale du Bangladesh.
Les ODD questionnées en premier plan du programme cinématographique de ce jour sont « Pas de pauvreté », « Égalité des genres », « Travail décent et croissance économique », « Industrie, innovation et infrastructure », « Inégalités réduites », « Consommation et production responsable », … sans compter les autres ODD en arrières plans.
les dédales de la vie et des luttes pour la survie et la dignité d’un groupe de femmes
Après une brève introduction géographique et historico-politique du Bangladesh, dès la première séquence du film, la plongée dans la réalité des risques et aléas des usines de confections textiles est immédiate.
Cette première séquence fait écho à l’épouvantable drame (évoqué en introduction) de l’effondrement du Rana Plazza du 24 avril 2013, faisant 1 135 victimes et 2 500 blessés.
Par la suite, sous la houlette de la courageuse et déterminée Shimu, la réalisatrice Rubaiyat Hossein nous embarque, caméra au poing, dans les dédales de la vie et des luttes pour la survie et la dignité d’un groupe de femmes emblématiques et représentatives de la société bangladaise.
Heures supplémentaires contraintes dont des nuits passées dans l’usine, visites furtives et superficielles des commanditaires européens toujours plus regardant … sur les prix, flicage paranoïaque et permanent du comportement et des effets personnels des ouvrières, domination et brutalité masculines ordinaires, corruption des employés de l’administration, « distance » des ONG aidantes, l’intrigue du film éclaire les contextes sociaux et culturels sur lesquels reposent les réseaux mondiaux du textile avec ses ramifications et échanges complexes.
Bien souvent, les ouvrières sont des réfugiées climatiques, sans autre solution pour survivre. Ce que j’ai pu documenter dans mon reportage complémentaire « le Bangladesh face aux risques climatiques ».
La détermination et l’intelligence sont des armes
Inspirée du parcours réel d’une ouvrière (Daliya Akhtar Dolly cf https://www.lesinrocks.com/non-classe/made-in-bangladesh-textile-film-309517-01-12-2019/ ), la formidable énergie de Shimu embarque ses collègues et amies et les spectateurs dans l’improbable et périlleuse aventure de la création d’un syndicat au sein de son usine.
Sans concession, le film ouvre les yeux et donne la démonstration que la détermination et l’intelligence sont des armes qui au-delà de l’espoir qu’elles génèrent, permettent d’aboutir malgré les obstacles qui paraissent démultipliés et infranchissables. Utile et vivifiant !